Pourquoi le commerce équitable est-il indispensable ?

Arcadie avec Fedecovera Guatemala
Pourquoi le commerce équitable est-il indispensable ?

Le commerce équitable est un terme désormais connu du grand public. Malgré tout, cette notion reste un peu floue pour un nombre non négligeable de personnes. De quoi s’agit-il plus précisément ? Pourquoi devrait-il être généralisé ?

Commerce équitable : définition, principes et historique

Qu’est-ce que le commerce équitable ?

En 2001, les organisations mondiales du commerce équitable définissent la notion  comme “…un partenariat commercial fondé sur le dialogue, la transparence et le respect, dont l’objectif est de parvenir à une plus grande équité dans le commerce mondial. Il contribue au développement durable en offrant de meilleures conditions commerciales et en garantissant les droits des producteurs et des travailleurs marginalisés, tout particulièrement au Sud de la planète.” (1)

Au-delà du principe de base du paiement d’un prix juste, les acteurs du commerce équitable s’engagent sur d’autres aspects : conditions de travail au sens large, valorisation de la contribution et de la place des femmes, développement de l’autonomie des producteurs, amélioration des pratiques environnementales, promotion du commerce équitable etc.

Historique du terme

Si le terme est utilisé dès le XIXè siècle et si un certain nombre de personnes s’offusquent du mauvais traitement des agriculteurs dans les plantations coloniales (2), l’émergence officielle du concept de commerce équitable est plus récente : apparu dans les années 1940 aux États-Unis et au Royaume-Uni, il voit sa première reconnaissance internationale en 1964 à la Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement. En France, c’est du Monde, association créée en 1974, qui participe grandement à son essor.

En 1988, le premier label, Max Havelaar (nom du personnage d’un roman dénonçant l’esclavagisme à Java), est créé aux Pays-Bas. En 1989, la structuration au niveau mondial progresse avec la création de la WFTO (World Fair Trade Organization = organisation mondiale du commerce équitable).

À la fin des années 1990, le commerce équitable apparaît dans les produits de la grande distribution, ce qui permet de passer un nouveau cap dans son expansion.

En 1997, Commerce Équitable France, la plateforme des acteurs français du commerce équitable, est créée. En 2001, c’est la première Quinzaine du commerce équitable en France, opération de communication visant à promouvoir cette démarche.

Dans les années 2000, les labels fleurissent ; le nombre de producteurs concernés et le marché se développent. En 2020, les ventes de produits issus du commerce équitable en France atteignent 1,83 milliard d’euros, trois fois plus qu’en 2014 (3) (4). Un grand nombre de catégories de produits ne bénéficient pas de labellisation, la traçabilité étant encore trop difficile à mettre en place.

Commerce de Charleville-Mézières
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Le commerce équitable “Nors/Sud” : une vision encore trop “humanitaire”

L’origine de la démarche du commerce équitable trouve ses racines dans une réaction face aux inégalités générées par le développement du commerce international (5). Les producteurs (agriculteurs, artisans) sont souvent le maillon le plus défavorisé de la chaîne, ne recevant qu’une très faible part du prix final de vente du produit.

Si l’impulsion de rétablir une relation commerciale et une répartition de la valeur plus équilibrées est louable, elle peut facilement dériver vers une poursuite souvent inconsciente d’une logique de dépendance des communautés de producteurs concernés.

Heureusement, un certain nombre d’acteurs du commerce équitable évitent cette ornière. Le cliché du “petit producteur étranger sauvé par un acheteur au grand cœur” est encore toutefois présent dans les représentations du commerce équitable pour les consommateurs finaux. N’oublions pas qu’il s’agit non pas d’une action de générosité, mais du simple rétablissement d’un équilibre qui devrait aller de soi dans les relations commerciales.

Le commerce équitable “Nord/Nord” : un défi encore plus grand

Les producteurs des pays du “Nord”, même s’ils vivent souvent dans des conditions moins difficiles que ceux des pays très pauvres du “Sud”, sont souvent eux aussi payés à des prix insuffisamment rémunérateurs. Selon une publication de l’INSEE de janvier 2022 , 38 % des agriculteurs français gagnent très peu (moins de la moitié du Smic) et 26 % vivent sous le seuil de pauvreté.

C’est pourquoi le développement d’un commerce équitable dit “Nord/Nord” (parfois aussi appelé “commerce équitable local”) s’est enclenché en parallèle des partenariats “Nord/Sud”. Le coût de la main d’œuvre étant plus élevé que dans de nombreux pays étrangers, un juste prix d’achat a un impact souvent plus important pour les acheteurs.

En 2020, les produits issus de filières françaises représentent 35% des achats de produits du commerce équitable en France (4).

producteur français

Des bases communes aux différences importantes entre labels

Le calcul des coûts de production : pilier d’un contrat équitable

Pilier de la démarche : l’estimation des coûts de production pour chaque produit. Elle n’est pas conduite de la même façon pour tous les labels. Certains se basent sur des données statistiques régionales, tandis que d’autres demandent aux producteurs d’effectuer l’estimation de leurs coûts de production {(6), page 14}.

Cette estimation fine est bien plus précise et très intéressante, car il apparaît bien souvent que les producteurs n’intègrent pas tous les coûts dans leur coût de production s’ils ne prennent pas vraiment le temps de s’y pencher.

Ce calcul occasionne parfois des remontées spectaculaires des prix d’achat, qui ne peuvent pas toujours être compensées par une baisse de la marge des autres acteurs de la chaîne, et se répercutent donc en partie sur le prix final de vente aux consommateurs. Cela demande donc un engagement accru de ces derniers pour concrétiser l’acte d’achat. Mais cela replace à sa juste valeur le travail “derrière le produit”.

Agriculture biologique et commerce équitable

Même si une amélioration des pratiques environnementales est encouragée dans la démarche de base du commerce équitable, pour la plupart des labels, la pratique de l’agriculture bio n’est pas une condition préalable à l’obtention de la mention “commerce équitable”.

Or, nous considérons que l’équité devrait comprendre la préservation à long terme de la santé des producteurs et de leur environnement. Payer des producteurs correctement et en même temps utiliser des pratiques de production néfastes pour la santé et l’environnement est éminemment contradictoire.

Inversement, promouvoir la pratique de l’agriculture biologique préservant l’environnement, sans assurer une viabilité économique et sociale aux producteurs perd de son sens.

C’est pourquoi un certain nombre d’acteurs du commerce équitable dans l’agro-alimentaire ont ressenti le besoin de créer des labellisations associant bio et commerce équitable. Biopartenaire et Bio équitable en France sont les deux labels associant systématiquement ces deux notions.

On peut aussi trouver de nombreux produits associant un label de commerce équitable et les labels de l’agriculture biologique (logo AB et/ou logo “Eurofeuille”). Regardez bien les étiquettes !

Les produits bio sont désormais très bien représentés dans l’offre de produits issus du commerce équitable : pour la France en 2020, 90% des produits issus du commerce international et 59% des produits français sont également bio, soit 88% au global (4).

label commerce équitable

Autres différences dans les différents labels 

Vous l’aurez compris : il y a de plus en plus de labels et tous ne se valent pas. Il est compliqué de résumer leurs différences, mais nous vous présentons certains critères de choix qui nous semblent les plus importants, en plus des critères “bio” et “prix d’achat rémunérateur”.

La durée d’engagement de l’acheteur : il y a une énorme différence selon que l’acheteur s’engage sur une seule année ou sur plusieurs. En termes de visibilité sur les débouchés pour les producteurs, de possibilités d’investissement, les engagements pluriannuels sont bien plus sécurisants. Tous les labels ne garantissent pas cet engagement pluriannuel. En d’autres termes, certains labels permettent qu’un acheteur change de fournisseur chaque année, ce qui est beaucoup moins sécurisant pour les producteurs.

Biopartenaire et Bio équitable en France comprennent un engagement sur 3 ans minimum.

Le contrôle externe : un certain nombre de labels de commerce équitable font de l’auto-évaluation, ce qui garantit beaucoup moins l’impartialité qu’en cas de contrôle externe par un organisme indépendant (généralement, il s’agit d’un organisme accrédité pour la certification en agriculture biologique).

Pour entrer dans les détails de ces labels, il existe un comparatif complet  (manque malheureusement de tableau de synthèse) réalisé par la plateforme Commerce équitable France en 2020.

La transparence dans la communication

Vous voulez avoir d’autres indicateurs que le label sur l’engagement d’une marque ou d’une entreprise par rapport à ses pratiques d’achat ? Faites un tour sur leurs canaux de communication (site web par exemple). Vous pourrez assez rapidement faire la différence entre ceux qui se contentent de quelques phrases un peu “bateau” et ceux qui donnent véritablement de l’information (actualisée) sur leurs approvisionnements et leurs partenariats.

Consommez bio, équitable et local

De plus en plus de consommateurs déclarent que le critère “commerce équitable” est important dans leurs choix d’achat, de même que le critère “bio”. Allons plus loin et propulsons ce slogan : bio + équitable, c’est inséparable et indispensable !

Les labels se multiplient et il devient compliqué de distinguer les niveaux d’engagement. Au niveau local, le contact direct avec les producteurs est le meilleur moyen de s’assurer que le prix de vente n’est pas venu enrichir prioritairement d’autres acteurs que le producteur.

Mais comme il est difficile de s’approvisionner uniquement en direct, les labels sont utiles. Nous vous mettons des liens vers des sources d’informations plus complètes. A vous de jouer !

En ce qui nous concerne à Arcadie, nous labellisons progressivement nos approvisionnements (35% à ce jour) avec la labellisation Biopartenaire. C’est un travail de longue haleine que nous vous expliquons dans cet article.