Cueillette des PAM plantes aromatiques et médicinales sauvages – Met-on ces plantes en danger ?

Récolte reine des prés
Cueillette des PAM plantes aromatiques et médicinales sauvages – Met-on ces plantes en danger ?

À l’heure où les soins naturels reviennent en vogue, de plus en plus de plantes sauvages sont prélevées dans la nature. Apparaît ainsi  un enjeu fort lié à la préservation à long terme des plantes concernées. Quels sont les risques ? Qu’est-ce qui est mis en place pour résoudre les problèmes rencontrés ? Comment abordons-nous ce sujet à L’Herbier de France ?

Une tension accrue sur la « ressource »(1) des PAM sauvages

 

Le commerce des plantes aromatiques et médicinales a été multiplié par 3 au niveau mondial entre 1999 et 2015, avec une proportion de 60 à 90% issue de collectes sauvages. En France, l’Association Française des Cueilleurs (AFC) a dénombré plus de 700 espèces ou sous-espèces cueillies ou susceptibles de l’être, dont 300 cueillies communément et 500 uniquement disponibles dans le milieu sauvage (les autres sont parfois également cultivées).

La tension entre les demandes du marché et la disponibilité en plantes sauvages a donc sensiblement augmenté ces dernières années. Les prélèvements excessifs constituent une menace potentielle pour la préservation de ces plantes à long terme, en plus d’autres facteurs comme la pollution, l’urbanisation, l’évolution des pratiques agricoles et/ou le changement climatique.

Récolte reine des prés
Récolte de Reine des prés dans le Massif Central. Si le retour de l’utilisation des PAM sauvages est une bonne nouvelle pour les humains, elle questionne la pérennité des plantes concernées, notamment celles les plus rares ou les plus prélevées. Photo Max Beaufey.
pré PAM sauvages
Un certain nombre de plantes spontanées se développent en milieu cultivé ou pâturé. Les changements des pratiques agricoles impactent donc la préservation de certaines espèces. Photo Martin Lacroix

Différentes activités peuvent menacer les PAM sauvages

 

Avant de se pencher plus précisément sur les impacts de la cueillette, il est important d’avoir à l’esprit que les cueilleurs ne sont pas les seules personnes à interagir avec les milieux dans lesquels ils récoltent les plantes. Dans un certain nombre de cas, ils ne sont pas les seuls responsables d’une éventuelle dégradation de la ressource.

L’agriculture, la sylviculture, le tourisme, les loisirs sont des exemples d’autres activités qui peuvent impacter les plantes.
Le terme “plante sauvage” est quant à lui assez délicat à manier, car en milieu rural, la frontière entre les milieux sauvages et artificialisés est souvent floue (la plupart des forêts ne sont pas sauvages ; une pâture montagnarde peut contenir des plantes spontanées mais dont la présence n’est permise que grâce à l’activité agricole).

Les industriels de la pharmacie ou de l’alimentation peuvent aussi, de par les forts volumes qu’ils demandent, avoir une responsabilité importante dans la pression sur les plantes récoltées.
Localement, les cueilleurs amateurs de plus en plus nombreux peuvent eux aussi avoir parfois un impact non négligeable.

Quelques exemples de menaces liées à la cueillette

 

Le principe de base est simple : un prélèvement excessif met en péril le potentiel de renouvellement de la plante concernée.
La réalité est beaucoup plus complexe du fait de la diversité du monde vivant et de la diversité des situations rencontrées.

Quelques exemples de situations problématiques :

Un cueilleur prélève trop de plantes par rapport à la capacité de renouvellement de ce “spot” (lieu précis où est cueillie la plante). Si cette pratique perdure,la plante régressera et finira par disparaître plus ou moins rapidement.

Dans certains cas, des cueilleurs vont mettre à mal la plante concernée du fait d’une méthode de récolte “violente”, en abîmant la plante plus qu’il n’en faut pour récolter la partie recherchée (exemple : faucher des buissons entiers de myrtilliers au lieu de récolter uniquement quelques rameaux (pour les feuilles) ou les fruits).

Il peut arriver que plusieurs cueilleurs interviennent sur le même site et sans une bonne concertation, l’ensemble des prélèvements peut s’avérer excessif.

Vous l’aurez compris, nous parlons principalement de cueillette professionnelle. Si vous sortez ramasser quelques bouquets de thym dans la garrigue, il est peu probable que vous mettiez en danger ces plantes.
Vérifiez cependant que la plante concernée n’est pas rare ou protégée là où vous souhaitez la prélever, prélevez avec parcimonie et ne prenez que ce que vous serez capables de bien sécher/conserver et bien sûr d’utiliser.

Quelques exemples de bonnes pratiques

 

Les cueilleurs professionnels doivent bien se coordonner localement. Rien ne vaut la concertation entre cueilleurs d’un même territoire. Elle permet une meilleure répartition des prélèvements, diminue les risques de mauvaises surprises et les tensions entre humains ainsi que sur les plantes. Il est possible (surtout pour les débutants) d’arriver sur un site et de croire qu’il n’est pas cueilli si le prélèvement du cueilleur précédent a été discret et respectueux.

Obtenir systématiquement l’accord du propriétaire et/ou du gestionnaire du site. Cette phase demande parfois du temps, mais il s’agit ni plus ni moins de respecter la loi et d’un savoir-vivre essentiel. Les autorisations sont souvent orales mais peuvent parfois être plus formalisées notamment sur des sites sensibles.

Connaître les autres usagers et leurs pratiques. En dehors des propriétaires ou gestionnaires, il y a souvent d’autres intervenants sur un site. Les connaître est gage d’une meilleure prise en compte de l’ensemble des facteurs qui influencent l’évolution du site concerné.

Aborder un site avec le « respect de base”. Il convient de faire attention au piétinement, au risque de tassement du sol, et évidemment de ne laisser aucun déchet lors de son passage.

Récolter de manière éparse. Sur un site donné, en laissant une quantité suffisante de “beaux” spécimens, le cueilleur évitera de favoriser la reproduction des individus les moins vigoureux.

cueillette de feuilles de myrtillier
Cueillette de feuilles de myrtillier. Une bonne connaissance des plantes et de la zone de cueillette est indispensable pour prélever de manière pleinement responsable. Photo Max Beaufey.

Peu de cueilleurs sans scrupules mais une pression globale qui augmente

 

La majorité des cueilleurs de plantes sauvages, attachés aux plantes avec lesquelles ils interagissent, prélèvent avec les précautions nécessaires. Mais du fait de l’essor de ce marché, des opérateurs moins scrupuleux sont apparus, compromettant parfois les efforts de conservation sur le terrain.

Une structuration des acteurs français de la filière

 

Une structuration de la filière “cueilleur/cueilleuse de plantes sauvages” a été impulsée à partir du début des années 2000 et a notamment débouché sur la création de l’Association Française des Cueilleurs (AFC) en 2011. L’AFC a participé à la reconnaissance de la filière et a coordonné les travaux liés à la préservation des “ressources”(1).

10 ans après la fondation de l’AFC, un ouvrage majeur voit le jour : le Guide des bonnes pratiques de cueillette de plaes sauvages, outil solide et précieux pour sensibiliser/former les professionnels de la filière à des pratiques respectueuses.

cueilleur PAM
Un certain nombre de cueilleuses/cueilleurs français-e-s avec lesquels nous travaillons sont impliqués dans la protection des plantes sur le terrain et participent à la dynamique nationale sur ces enjeux.

Notre vigilance pour les plantes de L’Herbier

 

La prise en compte du respect des plantes, des humains et de l’ensemble de la nature dans le cadre des prélèvements de plantes sauvages est un critère très important pour nos partenariats avec nos fournisseurs.

Nous travaillons avec des cueilleurs qui font preuve d’une grande rigueur dans leur éthique. Le collectif permet également de former les nouveaux arrivants pour garantir une montée en compétence rapide et vérifier l’adéquation avec les valeurs du groupe.
Nous attachons de plus en plus d’importance à obtenir des garanties de nos fournisseurs par rapport au respect des sites et à la bonne conservation des plantes prélevées.

L’Herbier  adhère de son côté à l’AFC (au sein du collège des entreprises) pour suivre au plus près les échanges entre professionnels français du secteur.

Vous l’aurez compris, le monde professionnel français de la cueillette des PAM sauvages s’organise pour relever le défi de la conservation à long terme des plantes prélevées. Tous les intervenants doivent jouer le jeu pour que cela fonctionne.

Chez L’Herbier de France, nous avançons dans l’exigence pour ce critère vis-à-vis de nos fournisseurs, dont certains montrent l’exemple.

En tant que cueilleur/cueilleuse amateur, même si vous prélevez des quantités moindres, essayez d’appliquer les quelques règles de bonnes pratiques citées dans cet article. Et surtout, utilisez vos plantes, ce serait dommage de prélever pour les gâcher ensuite…

(1) Nous écrivons “ressource” avec des guillemets car nous ne souhaitons pas considérer les plantes comme de simples ressources que nous devons gérer pour en avoir toujours sous la main.